A l'écran, la cuisine, c'est pas du cinoche
M le magazine du Monde
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Par Camille Labro
Dans les films aussi, la mode est à la
gastronomie. Pour que l’illusion fonctionne, encore faut-il que les
acteurs soient crédibles et les plats réalistes. Gestuelle, vocabulaire,
mise en beauté des mets... chefs et stylistes culinaires s’activent
hors cadre.

Coaché par un « vrai » chef
Pour concevoir les plats qui défilent sur le passe, les scénaristes Arnaud Malherbe et Marion Festraëts ont fait appel à un jeune chef très en vue, David Toutain. « Les menus étaient déjà définis dans le scénario, raconte Marion Festraëts, mais nous avions besoin d’un chef de référence pour mettre en recette toutes ces idées de plats, possédant à la fois une maîtrise des techniques classiques et un style contemporain et libre. L’apport de David Toutain était essentiel à notre histoire. » Outre la mise en forme des plats imaginés par les scénaristes, telle la recette de l’œuf de M. Edouard que David Toutain a conçue autour de l’idée de forêt et de nature, le chef a également formé, lors d’ateliers préliminaires, les acteurs à la gestuelle et au vocabulaire des cuisiniers au sein d’une brigade : une démarche aussi inhabituelle que rigoureuse. « Il fallait que ça fasse pro », résume le chef.
Capables de réunir les éléments d’un banquet du Moyen Âge comme ceux d’une ville futuriste, les chefs décorateurs et accessoiristes, ou prop masters, sont (entre autres) chargés des plats qui apparaissent à l’écran. Mais lorsque la bonne chère est au cœur du film, comme dans les emblématiques L’Aile ou la cuisse (1976), Le Festin de Babette (1987) ou Vatel (2000), un styliste culinaire est fréquemment de la partie. « Si la cuisine devient l’un des personnages centraux du film, explique la chef décoratrice Anne Seibel, il faut faire appel à de vrais professionnels. Il y a un aspect créatif et artisanal qui va au-delà de nos compétences. »
« Vatel », l'éloge de la bonne chère
Ainsi, dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola, dont Anne Seibel a orchestré la décoration, le chef Marc Meneau a imaginé et dessiné les mets avec elle, le chef Claude Colliot s’est chargé des scènes de repas au Petit Trianon, tandis que le styliste Fabrice Doux réalisait tous les plats pour les prises de vue. Une démultiplication des fonctions liée au volume et à la précision des scènes culinaires requises par la réalisation.
Pendant longtemps, les accessoiristes n’hésitaient pas à employer huiles, colorants, vernis ou gélifiants pour enjoliver leurs décors alimentaires. Aujourd’hui, sur les tournages de films culinaires, les exigences ont évolué : la nourriture doit non seulement être appétissante, mais aussi hautement comestible, tout en respectant les allergies et restrictions alimentaires des acteurs-mangeurs, ainsi que les contraintes de tournage. D’où l’intérêt d’avoir des stylistes qui sachent aussi cuisiner.

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Camille Labro
Journaliste au Monde