9 mai 2015

M le magazine du Monde

M le magazine du Monde publie un article sur le stylisme culinaire au cinéma et je suis citée !

A l'écran, la cuisine, c'est pas du cinoche

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Dans les films aussi, la mode est à la gastronomie. Pour que l’illusion fonctionne, encore faut-il que les acteurs soient crédibles et les plats réalistes. Gestuelle, vocabulaire, mise en beauté des mets... chefs et stylistes culinaires s’activent hors cadre.
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Depuis L'Aile ou la cuisse, en 1976, avec Louis de Funès, la fonction de styliste culinaire n'a cessé de prendre de l'importance.
Séries documentaires, longs – métrages, émissions de téléréalité : la cuisine est aujourd’hui servie à toutes les sauces, engendrant de nouvelles exigences et l’intervention de chefs ou, plus souvent, de stylistes culinaires. En témoigne le succès de la mini-série « Chefs », diffusée il y a quelques semaines sur France 2 en prime time, et qui a réalisé plus de 17 % d’audience : un nœud d’intrigues policières et familiales, prenant place derrière les fourneaux d’un grand restaurant.

Coaché par un « vrai » chef

Pour concevoir les plats qui défilent sur le passe, les scénaristes Arnaud Malherbe et Marion Festraëts ont fait appel à un jeune chef très en vue, David Toutain. « Les menus étaient déjà définis dans le scénario, raconte Marion Festraëts, mais nous avions besoin d’un chef de référence pour mettre en recette toutes ces idées de plats, possédant à la fois une maîtrise des techniques classiques et un style contemporain et libre. L’apport de David Toutain était essentiel à notre histoire. » Outre la mise en forme des plats imaginés par les scénaristes, telle la recette de l’œuf de M. Edouard que David Toutain a conçue autour de l’idée de forêt et de nature, le chef a également formé, lors d’ateliers préliminaires, les acteurs à la gestuelle et au vocabulaire des cuisiniers au sein d’une brigade : une démarche aussi inhabituelle que rigoureuse. « Il fallait que ça fasse pro », résume le chef.
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Pour la mini-série « Chefs », sur France 2, c'est le chef David Toutain qui a apporté son expérience à Clovis Cornillac.
Avec la starisation de la cuisine, ce genre de raffinement est de plus en plus fréquent. Pour le tournage des Saveurs du palais (2012), autour de l’histoire (vraie) de la cuisinière personnelle de François Mitterrand, Catherine Frot a été coachée par le personnage même qu’elle interprète : Danièle Mazet-Delpeuch. L’actrice avait tout de même une doublure main pour les gros plans de gestes culinaires. Quant aux plats concoctés durant le film, conçus par deux grands chefs, ils ont également été peaufinés pour l’image par l’auteure et styliste culinaire Elisabeth Scotto. « Mon rôle, estime celle-ci, était de rendre la cuisine à la fois plus accessible et plus esthétique pour la prise de vue, telle cette tarte aux fruits rouges qui devait avoir l’air "fait maison". Un chef prépare des choses qui doivent être mangées, un styliste doit rendre ces choses belles et attirantes : ce n’est pas le même métier. »
Capables de réunir les éléments d’un banquet du Moyen Âge comme ceux d’une ville futuriste, les chefs décorateurs et accessoiristes, ou prop masters, sont (entre autres) chargés des plats qui apparaissent à l’écran. Mais lorsque la bonne chère est au cœur du film, comme dans les emblématiques L’Aile ou la cuisse (1976), Le Festin de Babette (1987) ou Vatel (2000), un styliste culinaire est fréquemment de la partie. « Si la cuisine devient l’un des personnages centraux du film, explique la chef décoratrice Anne Seibel, il faut faire appel à de vrais professionnels. Il y a un aspect créatif et artisanal qui va au-delà de nos compétences. »
« Vatel », l'éloge de la bonne chère

Ainsi, dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola, dont Anne Seibel a orchestré la décoration, le chef Marc Meneau a imaginé et dessiné les mets avec elle, le chef Claude Colliot s’est chargé des scènes de repas au Petit Trianon, tandis que le styliste Fabrice Doux réalisait tous les plats pour les prises de vue. Une démultiplication des fonctions liée au volume et à la précision des scènes culinaires requises par la réalisation.
Pendant longtemps, les accessoiristes n’hésitaient pas à employer huiles, colorants, vernis ou gélifiants pour enjoliver leurs décors alimentaires. Aujourd’hui, sur les tournages de films culinaires, les exigences ont évolué : la nourriture doit non seulement être appétissante, mais aussi hautement comestible, tout en respectant les allergies et restrictions alimentaires des acteurs-mangeurs, ainsi que les contraintes de tournage. D’où l’intérêt d’avoir des stylistes qui sachent aussi cuisiner.
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Sur le tournage de "Julie & Julia", de Nora Ephron (2009), dont la cuisine est l'un des personnages principaux, la styliste Susan Spungen conseille l'actrice Amy Adams (à gauche).
« Notre rôle n’est pas de nourrir les comédiens, précise la styliste Eve Cardi, mais de les aider à jouer. Or, si ce qu’ils mangent, souvent à répétition, est bon, cela décuple leur motivation. » Il faut donc veiller à ce que cela reste chaud, goûteux et sain, parfois durant une journée entière. Sur le tournage du film Chef, de Jon Favreau (2014), la styliste américaine Melissa McSorley aurait produit quelque 800 sandwichs « Cubano », dévorés par les acteurs et par les techniciens, une fois les prises réalisées. « C’était une requête spécifique du réalisateur, a expliqué la styliste : il fallait que tout le monde se régale sur le plateau. » Même chose pour le très gourmand Julie & Julia de Nora Ephron (2009), comme en témoigne la styliste culinaire Susan Spungen : « Tous les plats, sole meunière, bœuf bourguignon ou soupe à l’oignon, finissaient par être partagés par l’équipe. Lorsque cela doit être beau et bon, c’est un défi supplémentaire pour nous, mais c’est aussi comme cela qu’on préfère travailler. »
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